Le département de chimie : un univers fragmenté
Lorsqu’on aborde la question de l’organisation de l’espace au département de chimie, le commentaire qui revient le plus concerne l’éparpillement des activités à travers plusieurs ailes, étages et, récemment, pavillons. Professeur.es, étudiant.es et employé.es s’accordent pour dire que cela limite les échanges et complique les activités quotidiennes.
« Les groupes sont très cloîtrés », avance André Charrette, professeur et directeur du département de chimie. « Avec la façon dont c’est configuré, il y a des chercheurs dans mon département que je ne vois pratiquement jamais, même si on est dans le même édifice ».
Joëlle Pelletier, professeure, abonde dans le même sens : « Il y a un aspect qui sera positif au déménagement, ce sera de retrouver mes collègues chimistes, parce que nous sommes actuellement éparpillés dans plusieurs pavillons ou dans des ailes qui sont tellement éloignées les unes des autres. Il y a des collègues que je peux ne pas voir pendant des mois… »
Au-delà de l’aspect social, c’est surtout les nombreux déplacements occasionnés par cette dispersion qui sont sources de contrariétés.
« Le pavillon Roger-Gaudry est vraiment grand ! », s’exclame Émilie Morin, doctorante. « Par exemple, le laboratoire est de l’autre côté de l’école alors que la plupart des salles d’analyse, le secrétariat et les autres groupes de recherche sont de l’autre côté. Donc, tous les jours, il faut qu’on prenne une marche de quasiment dix minutes – un bon cinq minutes au moins – pour se rendre analyser nos choses ou parler à nos collègues. »
En tous cas, je fais bien de l’exercice depuis que ce pavillon a été bâti.
Martin Lambert, technicien en génie mécanique HS
Martin Lambert, technicien en génie mécanique HS, illustre bien les contretemps que cet éparpillement lui occasionne dans une journée de travail :
« Autrefois, le département de chimie était concentré ici, au pavillon Roger-Gaudry. Mais depuis quelques années, ça a été éclaté. Il y a le pavillon Joseph-Armand-Bombardier qui a été construit. Il y a une grande partie du département qui est allée là-bas. On occupe une partie dans l’autre aile – ce sont des gens de chimie qui ont pris la place de pharmacie, qui anciennement était là. Donc, on a affaire à se promener d’un bâtiment à l’autre. Si j’ai un problème au PJAB, les gens m’appellent. Je ne connais même pas la nature du problème. Je suis obligé de me rendre. On n’a pas d’atelier là-bas. Je suis obligé d’estimer les outils dont j’ai besoin pour réparer un appareil s’il faut le réparer sur place. Revenir ici chercher les outils. Remonter là-bas. S’il m’en manque un, revenir. En tous cas, je fais bien de l’exercice depuis que ce pavillon a été bâti. En hiver, tu mets ton manteau, ta tuque, tes gants, tu pars. Tu redescends dans la neige. Disons que ce n’est pas pratique. Ça, je ne m’ennuierai pas de ça ! »
Un terrain gagné progressivement
Modeste au départ, le département de chimie a pris de l’envergure au cours des décennies. André Beauchamp, professeur émérite aujourd’hui retraité, a assisté aux différentes étapes de sa croissance :
« Moi, j’ai été embauché dans le cadre du développement d’un laboratoire qui s’appelait le laboratoire de diffraction des rayons X, qui est dans ce bâtiment-ci. C’était des pièces vides. On était trois professeurs à monter l’équipement, monter la formation, créer le domaine ici au département de chimie. Mais toujours dans les briques jaunes ! », relate-t-il.
Le laboratoire de diffraction des rayons X est un des plus importants du département avec les laboratoires de résonance magnétique nucléaire et de spectrométrie de masse.
« Ce sont des laboratoires qui étaient tout petits, avec très peu d’instruments au début des années 1970. Ils ont pris énormément d’ampleur et sont devenus des grands ensembles instrumentaux. En diffraction de rayon X, maintenant, on a de l’équipement qui est de très haute qualité, du personnel, beaucoup de roulement, beaucoup de travail qui est fait dans ces laboratoires-là. C’est réparti entre deux sites : un au pavillon Armand-Bombardier, un qui est ici, dans Roger-Gaudry. Tout cela sera consolidé lorsqu’on se retrouvera à Outremont », poursuit André Beauchamp.
Karen Waldron, professeure agrégée et première femme à avoir été embauchée au département, a également dû apprendre à composer avec un espace limité à son arrivée à l’Université : « J’ai eu un tout petit local au départ et ensuite, nous avons déménagé dans un espace qui avait été libéré par la Faculté de physiologie à la construction du Pavillon Paul-Desmarais. On s’est installés, moi et un autre prof, au 5e étage du corridor F. À la suite de la construction du pavillon Jean-Coutu et Marcelle-Coutu pour la Faculté de pharmacie, nous avons obtenu beaucoup plus d’espace. »
Vers une convergence des ressources très bienvenue
Manifestement, en ce qui concerne l’organisation de l’espace, tous et toutes s’entendent : le nouveau campus moderne et à la fine pointe de la technologie leur rendra la vie plus agréable.
« C’est clair que nous avons fait de la chimie dans ce bâtiment-ci pendant au moins quinze ans, dans des conditions extrêmement difficiles qui remplissaient à peu près les normes pour que l’on puisse faire les expériences, mais qui n’étaient pas particulièrement bien adaptées », concède André Beauchamp. « C’est certain que dans le contexte du nouveau bâtiment, les espaces vont être optimisés, les instruments vont pouvoir être montés dans des conditions optimales, donc on va pouvoir se conformer aux nouvelles normes et aux nouvelles exigences de la science. Les gens qui seront là vont pouvoir travailler dans des conditions qui sont beaucoup plus favorables qu’on le fait en ce moment ».
La mise en commun des ressources et la possibilité d’échanges interdisciplinaires sont d’autres arguments majeurs en faveur du déménagement.
« C’est sûr que dans le nouveau pavillon, on va être tous rassemblés. J’ai hâte de voir si ça va faciliter les échanges et rendre nos journées plus efficaces avec les appareils et les analyses », déclare Émilie Morin.
Gaétan Caron, chef de laboratoire, envisage aussi très positivement le rapprochement des différentes unités de recherche : « Au nouveau pavillon des sciences, ça va être plus fusionné. Donc on va pouvoir regrouper pas seulement les étudiants, mais aussi le matériel. Le matériel d’analyse va pouvoir être partagé beaucoup plus qu’ici au Roger-Gaudry ».
L’université et les gouvernements mettent énormément l’accent sur la recherche interdisciplinaire. Le fait d’intégrer quatre départements dans un même lieu va sûrement augmenter le nombre d’interactions entre les différents chercheurs.
André Charette, directeur du Département de chimie
Pour André Charrette, l’idéal serait de voir les échanges se prolonger en dehors du département de chimie :
« L’université et les gouvernements mettent énormément l’accent sur la recherche interdisciplinaire. Le fait d’intégrer quatre départements dans un même lieu va sûrement augmenter le nombre d’interactions entre les différents chercheurs. C’est déjà commencé : je dois avouer que depuis le début de la conception du nouveau pavillon, les réunions se sont multipliées avec les directeurs des autres départements. On a déjà eu énormément d’échanges sur la création de nouveaux programmes conjoints, par exemple, au niveau du premier cycle, ainsi que plein de choses pour se mettre à l’heure moderne et vraiment attirer des nouveaux étudiants à l’Université de Montréal, ce qui est quelque chose de très important. »