Incidents et anecdotes au département de chimie

Les incidents et les anecdotes dont tout le monde parle encore au département de chimie 

Il y a, semble-t-il, bien des légendes qui se répandent au-delà des murs jaunes du département de chimie. Ses laboratoires, dit-on, seraient propices aux incidents. Qu’en est-il réellement ?

En général, plus de peur que de mal

« Il s’est raconté beaucoup de choses au sujet des accidents, car ça fait beaucoup de bruit, c’est impressionnant, ça noircit les murs et tout ça, mais il ne faut pas exagérer non plus », affirme André Beauchamp, professeur émérite aujourd’hui retraité, qui a passé une bonne partie de sa vie au département. « À un certain moment, les normes de sécurité étaient beaucoup moins bien implantées et définies en ce qui concerne le travail expérimental au laboratoire. C’était toléré que quelqu’un se retrouve à travailler seul en laboratoire alors que maintenant, il faut être au moins deux ou trois personnes pour pouvoir faire une expérience, que ce soit le dimanche soir, le samedi dans la nuit ou le milieu de la semaine. Les accidents qui se sont produits – à mon souvenir, c’est arrivé une fois ou deux – ce sont des choses qui se sont produites dans des conditions où il y aurait dû avoir quelqu’un en position d’autorité qui soit capable de circonscrire davantage les problèmes ».


Il s’est raconté beaucoup de choses au sujet des accidents, car ça fait beaucoup de bruit, c’est impressionnant, ça noircit les murs et tout ça, mais il ne faut pas exagérer non plus.

André Beauchamp, professeur émérite

Même son de cloche chez André Charrette, directeur du département et professeur titulaire : « Au fil des vingt ou trente dernières années, il y a eu seulement deux incendies majeurs ». Les causes : des chercheur.ses qui manquent d’expérience et la grande quantité de solvants entreposés dans les laboratoires. Un laboratoire a dû être refait et tout un étage nettoyé à cause de la fumée qui avait été dégagée. Mais de manière générale, il juge qu’ils ont été relativement chanceux.

Un puissant séchoir à cheveux qui met le feu

Éric Dionne, qui a fait sa maîtrise et son doctorat à l’Université de Montréal et qui est aujourd’hui professeur agrégé à l’Université d’Ottawa, nous a montré l’objet qui est, selon lui, le véritable coupable.

« C’est cette bébelle-là, ici. Ça, ça a causé des troubles au département de chimie de l’Université de Montréal. C’est comme un séchoir à cheveux. Ça sonne comme un séchoir à cheveux. Mais c’est pas mal plus puissant qu’un séchoir à cheveux conventionnel. Ça peut monter jusqu’à 230 °C. »

Il y avait de l’eau partout. C’était un vrai feu !  On a eu des retombées de poussières même dans nos labos.

Éric Dionne, professeur agrégé

« Certain.es étudiant.es, surtout en chimie de synthèse, ont utilisé ça de manière un peu non règlementaire. Par exemple, un étudiant a voulu faire une recristallisation. Évidemment, le solvant était un peu trop volatil et le feu a pris. Dans ce cas-là, l’étudiant a paniqué. C’était un stagiaire, ce n’était pas un étudiant de maîtrise ou de doctorat. Les pompiers sont arrivés avec le boyau d’arrosage. Il y avait de l’eau partout. C’était un vrai feu !  On a eu des retombées de poussière même dans nos labos. Une autre fois, un étudiant a voulu faire sécher plus rapidement une flaque d’acétone renversée sur le plancher. Encore une fois, le feu a pris. Moi, je l’utilise, mais sur des choses qui ne peuvent pas s’enflammer, donc pas sur des solvants. Mais ça a causé pas mal de soucis et ça continue à en causer. Tous les feux qu’il y a eu à l’Université de Montréal dont j’ai entendu parler ont été causés par ça. »

L’exposition aux révélateurs d’ADN, potentielle source de problèmes

Le contexte semble un peu moins volatil dans le laboratoire de Joëlle Pelletier, où le principal danger réside dans l’utilisation d’agents pour révéler l’ADN.

« Ces agents sont fluorescents », explique la professeure titulaire. « Ils s’intercalent dans l’ADN avec lequel on travaille au laboratoire. Mais évidemment, ces agents peuvent aussi s’intercaler dans notre ADN. Alors, il faut porter des gants, il faut se protéger avec un sarrau. On travaille avec ces agents dans une zone restreinte qui est bien indiquée et les agents demeurent là. Le reste du temps, ce sont des travaux qui comportent peu de dangers physiques. »

C’est un peu comme fumer la cigarette…

Joëlle Pelletier, professeure titulaire

Il ne s’agit selon elle pas de dangers aigus. On parle plutôt des risques associés à une exposition chronique.  « C’est un peu comme fumer la cigarette », illustre-t-elle. « Ce n’est pas en fumant une cigarette qu’on va s’écrouler à terre, mort, mais c’est à long terme ».

De coûteuses pannes de courant

Le pire incident qui soit survenu dans le laboratoire où travaille Alexandra Furtos est une panne de courant qui a duré au-delà de 24 heures, ce qui a eu des conséquences assez sévères. Il a fallu plus d’une semaine pour remettre le tout en marche.

Les pannes prolongées peuvent avoir un impact très sérieux.

Alexandra Furtos, spécialiste en spectrométrie

« Surtout que les appareils se sont arrêtés de façon assez brusque. Deux appareils sur douze n’ont pas redémarré après », relate la spécialiste en spectrométrie. « On a dû les réparer avant qu’ils puissent être réutilisés. Il serait intéressant, dans le nouveau pavillon, d’avoir un système avec une génératrice qui permettrait de passer à travers les pannes d’électricité. Je sais bien que quelqu’un y a pensé et qu’on aura un peu moins de soucis à se faire concernant l’infrastructure. C’est clair que ce bâtiment tel qu’il est, au niveau de l’électricité, de la connexion internet, de la ventilation, surtout, n’a pas été conçu pour répondre aux besoins technologiques actuels. Or les pannes prolongées peuvent avoir un impact très sérieux. »

La fois où un pigeon inquisiteur est resté pris dans le Roger-Gaudry

L’anecdote qui a le plus voyagé est sans contredit celle du pigeon entré par accident dans le département. André Beauchamp s’est fait un plaisir de nous la raconter.

« Les fenêtres ici ferment très mal. En été, il y a une fenêtre qui a été laissée ouverte.  Il y a des pigeons qui venaient sur le bord de la fenêtre. Il y en a un qui est entré. C’était dans une toute petite pièce. Le pigeon est resté là pendant probablement un ou deux jours, tout le weekend.

Ce pigeon était absolument indestructible.

André Beauchanp, professeur émérite

Quelqu’un est venu le dimanche matin, il a ouvert la porte et, tout à coup, il y a un pigeon qui lui est passé par-dessus la tête. Il est allé dans le corridor… Puis là, comment faire ressortir le pigeon ? Ça a été extrêmement compliqué. Le pigeon s’envolait d’un bout à l’autre du corridor. Et comme il y avait des vitres à chaque bout, il pensait qu’il pouvait passer à travers, mais ce n’était pas le cas. Il se fracassait le crâne, il tombait mais il repartait. Ce pigeon était absolument indestructible. »

Éric Dionne, PhD en mesure et évaluation.

Crédits photo :

Coucher de soleil sur le campus : https://www.instagram.com/_capuu_/

Verdure sur le campus : Université de Montréal : https://www.umontreal.ca/nos-campus/montreal/