La chimie en réponse aux grandes problématiques de l’heure

La chimie en réponse aux grandes problématiques de l’heure

La recherche est l’une des principales activités du département de chimie de l’Université de Montréal. Nous avons eu le plaisir de rencontrer quelques chercheur.ses qui ont accepté de nous résumer leurs travaux et de vulgariser leur domaine d’expertise.

André Charrette

Chimie organique de synthèse

André Charrette, directeur du département de chimie et professeur titulaire, se spécialise en synthèse organique depuis une dizaine d’années. Le domaine implique d’établir des liens étroits avec les compagnies pharmaceutiques. Jadis, Montréal était une plaque tournante de l’industrie pharmaceutique. Or les temps ont changé et les cinq plus grosses compagnies ont relocalisé leurs activités à Boston en raison de la concentration d’universités de haut calibre que l’on retrouve dans cette ville.

Si on a d’abord appréhendé un impact négatif sur le taux de financement accordé pour former des chercheur.euse.s en synthèse organique, le départ de ces corporations a plutôt revigoré le secteur en permettant à de nombreuses petites entreprises de voir le jour. En ce moment, le taux de placement en synthèse organique est excellent dans la région montréalaise. Tout cela a permis au département de maintenir des activités de recherche très poussées. Au cours de sa carrière, André Charrette a eu l’occasion de voir le domaine évoluer. Ce qui l’intéresse particulièrement en ce moment, c’est une technique qui permet de faire des synthèses en réaction dans un plus petit tube, mais en continu. De ce fait, on peut générer de très grandes quantités de produits sans jamais avoir à manipuler de grosses quantités de solvants ou de réactifs. Beaucoup d’efforts ont été mis là-dessus au département. On y a créé une plateforme de synthèse en flux continus, la seule en Amérique du Nord à offrir un tel service.

Sébastien Sauvé

Contaminants : évaluation des risques chimiques et écotoxicologiques

Arrivé au département de chimie en 2001, Sébastien Sauvé s’intéresse surtout aux problèmes liés à l’environnement. Sa démarche consiste à s’attaquer à un problème environnemental qui lui « tient à cœur » et qui lui semble pertinent.

À l’heure actuelle, ses recherches sont axées sur les contaminant dits « émergents », qui sont des nouveaux contaminants, ou alors des contaminants dits « d’intérêt émergent », soit des molécules qui sont moins nouvelles, mais qui reviennent à l’avant-plan car elles sont devenues source d’inquiétude.

Le domaine emprunte des éléments de la chimie analytique. Il s’agit de trouver les bonnes manières de mesurer. Même si cela peut sembler simple, il arrive que les concentrations soient si faibles que c’est plus complexe qu’il n’y paraît. À titre d’exemple : détecter la présence d’hormones, de médicaments tels les antidépresseurs et de pesticides revient à mesurer l’équivalent d’un cube de sucre dans un bassin qui aurait les dimensions du stade olympique de Montréal. Toutefois, ces faibles concentrations demeurent suffisantes pour féminiser un poisson.

Le but ultime des recherches de Sébastien Sauvé vise à déterminer quels sont les facteurs qui contribuent aux problèmes de santé ou autres et de tenter de décortiquer quelle est la source des contaminants. Ses projets sont conçus en fonction de ce qu’il perçoit comme des problèmes de nature environnementale qui sont pertinents à l’heure actuelle. Il réfléchit dans un premier temps aux outils nécessaires pour réaliser le projet qu’il a en tête et, s’il croit les posséder dans sa « palette », il tente de trouver les sources de financement et, surtout, les bons partenaires, car les projets sont presque toujours pluridisciplinaires.

En ce sens, il envisage d’ailleurs d’un bon œil le déménagement au campus MIL. Selon lui, il sera dorénavant plus facile de réaliser certains projets. Comme les collègues de géographie et de sciences biologiques seront à la porte d’à côté, il y aura beaucoup de mise en commun des projets.

Joëlle Pelletier

Relations structure-fonction des enzymestion des enzymes

Joëlle Pelletier est professeure au département de chimie et professeure accréditée au département de biochimie. Ses travaux de recherche portent essentiellement sur les enzymes et visent à les modifier au bénéfice de la société, par exemple, en améliorant les diagnostics en santé et en réduisant la pollution engendrée lorsqu’on synthétise des produits d’usage quotidien.

Les travaux de recherche entrepris dans son laboratoire sont très collaboratifs. Elle compte sur de nombreux partenaires au sein du département de chimie, mais également au sein du département de biochimie, y compris des bio-informaticiens, car la tendance dans le domaine est de se tourner progressivement vers l’apprentissage machine. En ce sens, ce qui peut être réalisé dans son laboratoire, c’est de créer des banques de « milliers, de millions, même de milliards de variantes de protéines » et de les tester pour certaines fonctions. Ainsi, on dispose de grandes séries de données qui peuvent servir à l’apprentissage machine pour améliorer le processus de modification des protéines. Les chercheurs en bio-informatique l’aident à accélérer ces travaux. Elle collabore aussi avec des chimistes et des bio-informaticiens de l’Université McGill et de l’Université Concordia, ainsi qu’avec de nombreux chercheurs au Canada ou à l’étranger.

Karen Waldron

Biomolécules : instrumentation, détection, modes de séparation

Karen Waldron a été la première chercheuse à être embauchée au département de chimie, où elle est professeure agrégée depuis 1994.

Ces dernières années, son groupe de recherche s’est intéressé à la contrefaçon dans le domaine pharmaceutique, notamment dans le cadre d’un projet sur les médicaments utilisés pour traiter la dysfonction érectile tels le Viagra, le Cialis et le Levitra. Comme il s’agit de médicaments dont les composés chimiques sont bien connus et documentés, mais qui se vendent assez cher et uniquement sur ordonnance, ils constituent une occasion d’affaire en or pour les « chimistes de garage ». Au-delà des aspects juridiques et financiers, ces produits inquiètent Santé Canada, car ils peuvent contenir des ingrédients actifs contre-indiqués pour certains hommes.

L’équipe de Karen Waldron a développé une méthode par la chromatographie liquide et la spectrométrie de masse qui permet maintenant à Santé Canada de procéder à une analyse rapide de 82 produits chimiques pour éviter que de faux médicaments dangereux pour la santé se retrouvent en circulation. 

Présentement, le groupe travaille sur un projet qui touche la capture de carbone pour diminuer les émissions responsables de l’effet de serre. Les recherches sont effectuées en partenariat avec une compagnie qui développe les solvants utilisés pour la capture de CO2 dans les fumées en industrie, notamment les usines qui génèrent de l’énergie à partir du charbon brûlé, dans l’Ouest canadien et ailleurs dans le monde.