Laboratoires, ateliers et groupes de recherche en physique

La recherche est florissante au département de physique. Professeur.es, agent.es de recherche, technicien.nes et étudiant.es viennent à tous les jours travailler dans les laboratoires, dont certains revêtent une importance historique pour la science au Canada. La plupart des champs de la physique moderne sont étudiés dans les ailes du pavillon Roger-Gaudry. La grande diversité des champs d’expérience des professeur.es explique les grandes différences entre les laboratoires, que ce soit dans l’équipement, les mesures de sécurité ou les exigences matérielles.

Des instruments dans un laboratoire de recherche sur les plasmas. Source : Projet Rétroviseur

Ces laboratoires ont cependant quelque chose en commun : de nombreux jeunes chercheurs et chercheuses y apprennent leur métier tout en faisant avancer la science. C’est le cas de Félix Goudreault, étudiant aux cycles supérieurs en physique. Bien que son travail soit plus théorique, il vient tout de même travailler sur place, dans un bureau, afin d’être à proximité de son directeur de recherche. Il peut ainsi envoyer des calculs aux superordinateurs dont plusieurs laboratoires sont équipés. La plupart des étudiant.es travaillent dans les locaux de l’université, puisque le financement de leurs recherches leur demande d’être présents sur les lieux.

Les étudiant.es aux cycles supérieurs, dépendamment de leur spécialisation, peuvent aussi être amenés à assister à des conférences hebdomadaires, ainsi qu’à certains cours. Si leur implication dans leur milieu de vie est importante, des nombreuses rencontres et réunions s’ajoutent aussi à leur agenda.

Les étudiants se familiarisent avec les tâches de laboratoire lors des laboratoires d’enseignement. Source : Projet Rétroviseur

Les chercheur.ses sont épaulés dans leurs tâches par les technicien.nes de laboratoire. Véronique Desjardins et Camil Joanette, technicien.nes en électrotechnique, assurent le support de ceux qui travaillent à la recherche, en plus de préparer les laboratoires d’enseignement de première année. Ils adaptent le matériel aux besoins des chercheur.ses, et réparent les nombreux bris survenant dans les laboratoires. Ils tentent également de trouver des solutions aux nombreux problèmes de refroidissement d’appareils et de puissance électrique dus à l’âge vénérable du pavillon Roger-Gaudry. Si certains laboratoires ont leurs propres technicien.nes engagés grâce à des fonds de recherche, Véronique Desjardins et Camil Joannette sont investis d’une véritable mission de service au département.

Les laboratoires sont remplis d’appareils et d’équipements souvent coûteux, dont la gestion et la réparation occupent une part importante de la vie quotidienne d’un laboratoire. Même lorsqu’il est temps de se débarrasser définitivement d’instruments, on tente d’en récupérer les pièces, qui pourraient se révéler utiles lors de la réparation des appareils encore fonctionnels. Cela permet de sauver temps et argent, car une réparation réussie remplace alors une nouvelle commande aux fournisseurs. Ces pièces de rechange ont toutefois besoin d’espace afin d’être entreposées.

La lumière clignotante indique que des lasers sont en fonction dans le laboratoire. Source : Projet Rétroviseur

Au pavillon Roger-Gaudry, les laboratoires sont dotés de lumières clignotantes lorsqu’une expérience est en cours. Cela ne prévient pas forcément d’un danger, à part celui de faire rater une expérience en cours depuis plusieurs jours. Ouvrir une porte et faire pénétrer de la lumière inopportune dans un laboratoire menant des expériences sur des lasers, par exemple, pourrait gâcher une collecte de données de longue haleine. Autrement, on ne retrouve pas de réel danger dans les laboratoires de physique de l’Université de Montréal. Il n’y a pas de stockage de matériaux radioactifs, car les laboratoires de physique nucléaires utilisent maintenant des accélérateurs afin de modifier la matière.

On ne retrouve pas de matière fissile ou radioactive en ce moment au département, ni de réacteur. Il faut toutefois observer une zone restreinte autour des accélérateurs qui génèrent de hautes énergies. De la même façon, les lasers ne doivent pas arriver dans les yeux de quelqu’un qui tomberait dessus par curiosité. L’accès au laboratoire René-J.-A.-Lévesque, qui contient un accélérateur, est aussi restreint, pour des raisons plus historiques que réelles, selon le professeur et directeur du département Richard Leonelli.

L’intérieur de la salle blanche depuis le sas permettant d’y accéder. Source : Projet Rétroviseur

La salle blanche préserve également des conditions particulières. Construite il y a une quinzaine d’années, il s’agit d’une salle abritant un environnement zéro poussière. On y accède par un sas. Elle est particulièrement utile lors des expériences menées en optique. Depuis 2001, cette salle sert de lieu de fabrication des équipements optiques les plus perfectionnés. On y manipule les pièces qui seront installées sur le nouveau télescope spatial James-Webb, qui sera lancé dans l’espace en 2021.  On y conçoit aussi les pièces du spectrographe SPIROU, qui sera installé à l’Observatoire Canada-France-Hawaï afin d’observer les exoplanètes. Il est donc crucial qu’aucune poussière ne pénètre dans la salle blanche. Comme l’explique le chercheur Loïc Albert, tous les efforts et les ressources mobilisés par un télescope afin de capter la lumière des objets célestes seraient déployés en vain si cette lumière est, au bout du compte, diffusée sur la poussière sur l’instrument. Loïc Albert travaille au laboratoire d’instrumentation infrarouge, fondé dans les années 1990. Cette technologie permet de voir des objets très froids, tels que les exoplanètes, les naines brunes, ou encore des galaxies très lointaines.

Montréal a été un des pionniers de l’astronomie infrarouge au monde, nous sommes toujours des leaders au Canada.

Loïc Albert, chercheur

Ce laboratoire a notamment permis de développer la caméra MONICA, la première caméra infrarouge au Canada. Elle a été utilisée lors d’observations au télescope Canada-France-Hawaï. Alors qu’au départ, elle ne comptait qu’un pixel, les améliorations apportées par les chercheur.ses ont augmenté ses capacités jusqu’à 1024 pixels par 1024 pixels.

Si les instruments développés au pavillon Roger-Gaudry sont utilisés par-delà les océans et même jusque dans l’espace, ils ont aussi une incidence plus locale. En effet, l’Université de Montréal, en partenariat avec l’Université Laval, gère l’Observatoire du Mont-Mégantic, non loin de Sherbrooke. Il ne s’agit pas que d’un télescope d’observation : l’observatoire est doté de caméras infrarouges et de spectrographes. Si une grande partie des activités de l’observatoire peut être contrôlée à distance, il joue un rôle crucial dans la formation des étudiant.es. Ils y apprennent à manipuler les appareils et à tester les équipements fabriqués dans les laboratoires. Ainsi, ils seront préparés lorsqu’ils iront dans les télescopes de pointe à l’étranger. C’est de ces télescopes de pointe que proviennent les données massives analysées par les astrophysiciens : la taille de l’observatoire du Mont-Mégantic est très modeste. Les données étudiées par les chercheur.ses de l’Université sont obtenues par des processus automatisés grâce à des technicien.nes et des ingénieur.es à des milliers de kilomètres.

À seulement trois heures de route de Montréal, l’Observatoire de Mont-Mégantic permet toutefois aux étudiant.es de faire des observations sur place : il y a toujours un astronome, qu’il ou elle soit professionnel ou étudiant. Il y a également des appareils à ramener à l’iniversité pour les réparer : il faut ensuite retourner vérifier leur fonctionnement dans des conditions réelles. Ce va-et-vient de matériel explique la présence au pavillon Roger-Gaudry de nombreux appareils que Loïc Albert n’hésite pas à qualifier de « reliques » des premiers temps de Mégantic, remplacées par de nouvelles générations d’appareils. Dans les laboratoires se trouvent des boîtes de pièces restantes de chaque projet ainsi que la documentation des instruments.

Le « cluster » d’ordinateurs. Source : Projet Rétroviseur.

Le laboratoire dans lequel travaille Loïc Albert est aussi équipé d’un « cluster » d’ordinateurs, situé dans un local doté d’un important système de ventilation. Comme ces ordinateurs fonctionnent constamment, ils dégagent beaucoup de chaleur et certaines de leurs pièces pourraient même fondre si la température n’était pas contrôlée. L’assemblage de tours d’ordinateurs n’occupe qu’une partie de l’espace, qui était auparavant rempli par des installations beaucoup plus volumineuses. Ces ordinateurs sont utilisés afin de faire des simulations des naines blanches et du soleil. Les calculs permettent d’appliquer des équations de physique à des observations réelles. En comparant les observations au télescope avec des modèles élaborés par les chercheurs et chercheuses, il est possible de voir si ceux-ci fonctionnent ou s’ils ont besoin d’être affinés et recalculés. Contrairement à d’autres « clusters » d’ordinateurs, ceux-ci seront transportés au Complexe des sciences. Pour ceux qui resteront sur place, une connexion haute-vitesse entre les pavillons permettra aux laboratoires d’y envoyer leurs calculs.

Andrea Bianchi, professeur au département de physique, dirige le laboratoire de chimie de l’état solide. Il crée de nouveaux matériaux et les caractérise, notamment grâce à la chaleur spécifique et au transport électrique. Ce faisant, il tente de découvrir, grâce à ces nouveaux matériaux, de nouveaux états quantiques.

Son laboratoire est équipé de matériel à la puissance impressionnante. On y compte plusieurs fours, dans lesquels on peut créer une atmosphère inerte grâce à des pompes à vide. Si la température de ces fours atteint en général 1700 °C, le four ARF, générateur de fréquence radio, peut aller jusqu’à 2000 °C. On retrouve dans ce four la même technologie que dans les cuisinières à induction, mais bien plus puissante. Le laboratoire est aussi doté de machines à rayons X et de magnétomètres, qui permettent de caractériser les nouveaux matériaux créés par l’équipe du professeur Bianchi. Comme son nom l’indique, le magnétomètre mesure l’aimantation d’un matériau. Heureusement, la plupart de ces instruments peuvent être montés sur roulettes, ce qui facilitera le déménagement vers le Complexe des sciences.

Le professeur Bianchi explique le fonctionnement de son four optique. Source : Projet Rétroviseur

Le laboratoire de chimie de l’état solide est aussi équipé d’un four optique japonais. Ce four focalise toute la lumière sur un point très précis d’une tige polycristalline afin d’obtenir un monocristal. En faisant fondre à une température très précise le polycristal, on obtient un liquide qui ne tient qu’avec la tension de surface, et qui ne touche donc à aucun creuset, ce qui permet d’obtenir le monocristal. Tout cela est possible grâce aux atmosphères contrôlées sous hotte, ce qui permet de travailler des substances sensibles à l’oxygène ou à l’humidité.

Cinq chercheur.ses travaillent dans le laboratoire. Le professeur Bianchi continue d’y faire des échantillons hebdomadaires lui-même afin de garder la main. Il souligne la bonne formation en laboratoire que reçoivent les étudiants et les étudiantes du département, qui leur permettent de mettre en perspective leurs apprentissages lorsqu’ils font des stages à l’international.

Jean-François Arguin dirige le groupe de recherche en physique des particules, qui inclut plusieurs étudiant.es gradués, chercheur.ses postdoctoraux et ingénieur.es. Il se décrit comme un physicien expérimentateur, mais aussi observationnel. Le rôle de son groupe de recherche est d’étudier les données du Grand Collisionneur de Hadrons (LHC). Beaucoup de ses étudiant.es travaillent à l’analyse de données sur ordinateur : cela ne nécessite pas de grands laboratoires, mais le groupe de recherche s’est joint à un nouveau projet. Les chercheurs et les chercheuses en physique des particules travailleront à élaborer les détecteurs qui seront installés dans le futur au Grand Collisionneur de Hadrons, une expérience qui s’étend jusqu’en 2040. Afin des les aider dans leurs nouvelles tâches, leurs collègues en détection de matière sombre leur ont prêté une chambre propre pour travailler sur ces détecteurs. Au Campus MIL, ils auront leur propre laboratoire Atlas afin de travailler sur ces détecteurs.

Un laboratoire consacré à l’étude des plasmas. Source : Projet Rétroviseur

Professeure au département, Joëlle Margot se spécialise en physique des plasmas. Dans son laboratoire, elle étudie donc des gaz ionisés. Il s’agit de gaz auxquels on apporte suffisamment d’énergie pour arracher des électrons aux atomes qui le composent. On se retrouve donc avec un milieu dans lequel on retrouve des électrons libres et des ions, aux caractéristiques très particulières. Joëlle Margot explique que la plupart des objets astronomiques sont des plasmas, et mieux connaître leurs propriétés permet des les optimiser afin de créer diverses applications. Son laboratoire est situé dans le « bunker » de Roger-Gaudry. Au moment où le bâtiment a été construit, des bureaux dotés de fenêtres avaient été prévus au-dessus du bunker, sans jamais être construits. La professeure a donc hâte de découvrir les locaux vitrés du Complexe des sciences.

Au département de physique, les groupes de recherche œuvrent dans différents domaines, qui représentent la plupart des spécialités de la physique. Le département entretient des collaborations avec des observatoires ainsi qu’avec le CERN (Organisation européenne pour la recherche nucléaire), à Genève. Les chercheur.ses étudient la physique des plasmas, des matériaux, la biophysique et l’astrophysique, entre autres. Richard Leonelli, directeur du département, étudie quant à lui la physique de la matière condensée. Ses laboratoires ont été équipés grâce à des subventions de la fondation canadienne de l’innovation, ce qui l’oblige à partager les instruments. Très perfectionnés et sophistiqués, ces derniers nécessitent une formation pour pouvoir les utiliser. Toutefois, quiconque ayant une formation adéquate et un sujet de recherche peut disposer de temps pour les utiliser.

Les collaborations entre professeur.es au département de physique se matérialisent par des cosupervisions d’étudiant.es aux cycles supérieurs. Le professeur Leonelli donne l’exemple d’un étudiant qu’il codirige avec Andrea Bianchi. Si lui-même étudie les matériaux, il ne les fabrique pas, alors que M. Bianchi les crée, mais n’a pas les équipements pour étudier leurs caractéristiques. Ils collaborent donc afin d’étudier les matériaux à la fois théoriquement et expérimentalement.

Le pavillon Roger-Gaudry est construit à même le roc de la montagne. Source : Projet Rétroviseur

Le pavillon Roger-Gaudry, malgré ses défauts, est construit directement sur le roc et bénéficie de planchers très épais. Le niveau de vibration du sol à cet endroit est tolérable pour les instruments très sensibles, tels les microscopes à force atomique et les systèmes sophistiqués de physique des plasmas. Depuis des dizaines d’années, les technicien.nes de laboratoire ont également adapté les conduits d’eau à chaque laboratoire et à chaque appareil, un travail qui sera entièrement à repenser dans le nouveau pavillon.

Le département de physique de l’Université de Montréal accueille aussi le centre institutionnel du regroupement québécois sur les matériaux de pointe, coordonné par Jacqueline Sanchez. Ce regroupement réunit plus de 70 chercheur.ses entre l’Université de Montréal, l’Université McGill, l’Université de Sherbrooke et Polytechnique, qui se distinguent dans les disciplines de la chimie, de la physique et du génie. Le travail de Jacqueline Sanchez est d’orienter les étudiant.es vers les membres et les chercheur.ses qui se rapprochent de leurs intérêts de recherche. Elle affiche aussi les postes à combler dans les laboratoires. En plus de gérer la logistique du RQMP, Jacqueline Sanchez est aussi agente de recherche au département de chimie : elle est donc en contact avec différentes réalités de recherche.

La diversité des domaines de recherche se reflète dans les collections de Benjamin Constantineau, bibliothécaire à la bibliothèque de physique. Selon lui, tout est emprunté, et tout le monde profite des ressources, mais dans des proportions différentes. Par exemple, les chercheur.ses en physique des plasmas ont besoin de beaucoup de livres, alors qu’en général ce sont les revues scientifiques qui sont les plus consultées. Cependant, les documents relatifs à la physique des plasmas sont empruntés en moins grand volume que ceux se rapportant à l’astrophysique. Benjamin Constantineau explique cela par le nombre de professeur.es par discipline. Si les quelques professeur.es étudiant la physique des plasmas dirigent plusieurs étudiant.es, l’« armée » d’étudiant.es en astrophysique, dirigés par la douzaine de professeur.es spécialistes de cette matière, représentent une proportion importante des emprunts de sa bibliothèque.